Lâautomne puis lâhiver ont ĂŠtĂŠ particulièrement secs (on observait dĂŠjĂ un dĂŠficit de 35% en eau), assez doux, le mois de fĂŠvrier a mĂŞme ĂŠtĂŠ plutĂ´t chaud (2,2 degrĂŠs au-dessus des normales saisonnière). Cette douceur hivernale, responsable dâun dĂŠbourrement prĂŠcoce fin mars, a eu cette annĂŠe encore des consĂŠquences dramatiques, provoquĂŠes par le gel de printemps (du 2 au 5 avril). Ce gel fut assez prĂŠcoce dans la saison, et les contre-bourgeons se sont dĂŠveloppĂŠs rapidement. MĂŞme si ces bourgeons secondaires sont moins fertiles et que cela signifie souvent une baisse de volume, le cycle vĂŠgĂŠtatif a nĂŠanmoins dĂŠmarrĂŠ de façon dĂŠcalĂŠe, mais favorisĂŠ par la belle arrière-saison que nous avons eue finalement. Difficile en effet de ne pas avoir remarquĂŠ les ĂŠpisodes climatiques rĂŠpĂŠtĂŠs en juin, juillet puis aoĂťt, avec des tempĂŠratures très ĂŠlevĂŠes, jusquâĂ quatre degrĂŠs au-dessus des normales, et plusieurs jours dâaffilĂŠe. La vĂŠraison a lieu entre le 8 et le 10 juillet pour les plus prĂŠcoces (jeunes vignes Ă Pomerol, Graves de Pessac), mais plus gĂŠnĂŠralement fin juillet. Les contrĂ´les de maturitĂŠ rĂŠpĂŠtĂŠs dĂŠbut aoĂťt mettent en ĂŠvidence une chute rapide (plus de 50%) de lâaciditĂŠ totale et surtout de lâacide malique donnant aux vins un caractère ĂŠclatant et vif. Pour les rouges, il faut dâabord dire que les vendanges 2022 se sont conduites dans des conditions extrĂŞmement agrĂŠables, sans stress. On a pris le temps de ramasser Ă la carte, au grĂŠ des dĂŠcalages de maturitĂŠ, puisque la mĂŠtĂŠo très clĂŠmente le permettait. DĂŠbut septembre, on avait encore parfois dâimportants dĂŠcalages entre la maturitĂŠ technologique (qui ĂŠtait lĂ ), polyphĂŠnolique (quâon a tardĂŠ davantage Ă obtenir) et aromatique). En revanche, lâextractibilitĂŠ et la qualitĂŠ des tanins nâĂŠtaient pas optimales alors que les raisins ĂŠtaient dĂŠjĂ riches en sucres et que les valeurs en aciditĂŠ totale, acide malique et tartrique indiquaient de bons ĂŠquilibres. Il a donc fallu adapter les stratĂŠgies de ramassage aux terroirs et organiser les sĂŠquences de ramassage pour rĂŠcolter des raisins parfaits.Dans cette pĂŠriode cruciale, on pistait lâĂŠvolution des ĂŠquilibres entre lâalcool qui montait et les peaux qui pouvaient encore rester dures. La mĂŠtĂŠo continuait dâĂŞtre souriante, on nâa pas eu de pluie, pas de pression, rien ne semblait indiquer quâil fallait ramasser ; cette annĂŠe, on a vraiment dĂť pousser les vignerons Ă vendanger !
Cette annĂŠe plus encore, il ne fallait pas aller trop loin en vinification : ne pas trop extraire, se mesurer et se retenir ; Ă ce titre, on a jouĂŠ une course de fond cette annĂŠe, pas un sprint ! Les temps, les tempĂŠratures de macĂŠration ont ĂŠtĂŠ adaptĂŠs en fonction des ĂŠventuels blocages de la plante, de lââge des vignes, etc. La dĂŠgustation tout au long des macĂŠrations a ĂŠtĂŠ capitale pour ajuster au mieux le travail des vins et pour rechercher les meilleurs ĂŠquilibres. Il est important de prendre en compte les ĂŠquilibres entre lâalcool, le pH, lâaciditĂŠ totale et bien sur la richesse en composĂŠs phĂŠnoliques pour comprendre que 2022 nâest pas un millĂŠsime caricatural mais de façon surprenante bien ĂŠquilibrĂŠ.
Les rouges sont des vins riches, denses, avec une certaine puissance et une rĂŠelle onctuositĂŠ, mais sans lourdeur, comme lâĂŠtaient parfois les millĂŠsimes solaires dâautrefois. En 2022, on a cherchĂŠ Ă conserver la tenue et lâaciditĂŠ, lâaromatique plutĂ´t fraĂŽche et ĂŠclatante quâon avait au moment de la rĂŠcolte. On est restĂŠs vigilants au moment des vinifications, on nâa pas voulu dĂŠsĂŠquilibrer les vins qui avaient une aciditĂŠ naturelle, on a prolongĂŠ les macĂŠrations pour trouver le charme, on a construit une trame et une texture de milieu de bouche pour contrebalancer des alcools parfois plus ĂŠlevĂŠs.
2022 est un grand millĂŠsime de Bordeaux taillĂŠ pour la garde, avec un ĂŠquilibre bien bordelais que les amoureux des vins de Bordeaux aiment tant !